Zéro déchet et greenwashing

Les mots clés attractifs

Rapidement lors du lancement de mon projet de savonnerie, je n’ai pas souhaité jouer avec les mots clés que l’on retrouve beaucoup dans le secteur de la cosmétique : bien-être, zéro déchet, bio, naturel…
Malgré tout le potentiel que véhiculent ces termes, ils ne résonnent plus en moi.
Très souvent entendus et employés (à juste titre pour certain.es, entendons-nous), le greenwashing est malheureusement passé par là avec ses grosses bottes pleines de boue et a essoré l’essence même de ces mots pour en faire la même chose que ses produits : quelque chose sans grande qualité. Un terme utilisé sans fin finit par se perdre son impact.
Je m’explique :
Bien-être : un savon à mes yeux sous-entend déjà le bien être : c’est un objet précieux, symbolique, propre à l’hygiène et à la dignité.
Zéro-déchet : Ma fabrication n’est pas parfaite, n’est pas zéro déchet : je fais livrer mes matières premières (transports depuis différents pays jusqu’au jour où les oliviers pousseront en Belgique), qui elles-mêmes sont importées dans des emballages plastiques.
Je génère donc du déchet, même à petite échelle.
Pour protéger mes produits, je les emballe la plupart du temps dans ses papiers craft. Bien que cela soit du papier et que l’étiquetage est obligatoire dans mon corps de métier pour des raisons de sécurité, c’est un emballage perdu et difficilement réutilisable (on peut, mais je doute que beaucoup le fasse).
Je laisse cependant le choix d’avoir un emballage ou non lors des achats sur ma boutique en ligne et lors de certains marchés. Disons que la notion du zéro-déchet peut concerner le consommateur final.
Bio : le bio a bon dos. Il s’agit d’une ligne directrice de critères à respecter. Un cahier des charges, un label. Alors je grossis les traits, le bio a le mérite d’exister de nos jours. Seulement d’un pays à l’autre, les règles ne sont pas les mêmes, et ça devient complexe de jouer sur tous les terrains. De plus, je deviens un poil cynique lorsque je constate les votes des lois pesticides en Europe, les détournements de ces dits-cahiers des charges de certains pays pour exporter leur produit de mauvaise qualité (doux exemple du miel).
Naturel : ah le mot-piège. C’est attirant, c’est le retour aux sources, nous vivons nu.es d’air frais et d’eau pure (ou serait-ce l’inverse?). Un savon « naturel » n’existe pas. Je joue avec les mots et c’est important, il serait plus juste de dire « savon composé de matières d’origine naturelle » : des huiles végétales, du miel, du lait, des beurres. Et encore, si je pousse un peu plus loin, les matières premières sont elles-mêmes des productions, la transformation d’un fruit, d’une fleur, un processus d’extraction simple, certes, mais qui passe par une transformation.
C’est peut-être parce que c’est trop long à dire d’ailleurs, « savon à base de matières naturelles » : alors on raccourcit et on dit « savons naturels ». C’est plus accrocheur. Et les raccourcis, c’est comme l’inoffensif, c’est tentant et plus facile, mais ce n’est pas toujours la meilleure des voies car elle crée des malentendus.
On associe très souvent le naturel à l’inoffensif : l’exemple simple des huiles essentielles, contenant des allergènes et pouvant être toxiques à fortes doses, sont pourtant formidables lorsqu’elles sont bien utilisées en toute connaissance des choses.
L’inoffensif, on le banalise, puisque justement, c’est inoffensif. Donc on banalise le naturel (CQFD). Voici un exemple probant : un tigre est naturel, mais est-il inoffensif dans un salon avec des enfants?

Alors, sans appeler à la totale méfiance sur les produits consommables, ce sera peut-être une nouvelle piste de réflexion et un regard plus aiguisé sur le greenwashing des grandes enseignes. Je me souviens avoir voulu acheter une huile de jojoba en grande surface. Ayant une idée des prix du marché, je trouvais cette huile étonnement peu chère ; sur l’étiquette arrière reprenant sa composition (même s’il est censé y avoir qu’un seul ingrédient, c’est obligatoire), quelle ne fût pas ma surprise de constater qu’elle était coupée à l’huile de tournesol… Pas bien grave certes, mais pas ce qui est mis en avant sur l’étiquette principale.

Alors comment définir mon travail?
Si je devais choisir les propres mots-clés, je choisirais plutôt responsabilité, voire même cohérence. J’essaie, dans un premier temps, en tous temps, d’être en phase avec mes valeurs (et c’est un sacré temps de recherche), d’être transparente avec vous, de faire au mieux.
Je m’améliore dès que c’est possible. C’est pour cela aussi que beaucoup de savonnier.es ont le mérite clair d’exister, et que certaines grandes marques abusent de notre confiance, en usant de ces mots-clés, si légitimes et puissants, au départ.

Tout cela devrait transparaître dans la qualité même du produit, et non pas par des mots usés-usés-usés. J’espère, au fil de mon aventure savonneuse, pouvoir respecter régulièrement les valeurs que j’inculque au projet.

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