L’artisanat, le fait-main… qu’est ce que c’est?
On entend de plus en plus le terme « artisanal » sur le marché. Le secteur semble se développer à nouveau depuis quelques années (notamment post-covid).
« Cet engouement se retrouve également chez les adultes en reconversion professionnelle […] Et cela passe notamment par la création de leur propre entreprise. L’année 2020 a d’ailleurs atteint un record avec 848 200 créations […] notamment d’entreprises individuelles, soit 4% de plus qu’en 2019, d’après l’Insee (source 20minutes.fr)
Comment définir l’artisanat ?
C’est l’art de transformer, fabriquer, réparer (ou prester des services) de ses mains – sans passer par la case industrielle, des objets décoratifs ou à des fins utilitaires. L’artisanat se réfère à la création d’objets par des personnes qualifiées qui possèdent des compétences spécialisées. Souvent traditionnellement, même si certains corps de métiers sont en pénurie.
Les artisans ne regroupent pas plus de 10 employés, et parfois sont seuls à exercer leur métier. Cela de manière indépendante (et libre ?).
On peut aussi appeler cela l’artisanat de proximité ; l’artisan travaille localement avec, si possible, des matières locales. Ici, en savonnerie, difficile encore de tabler uniquement sur des matières locales. C’est aussi pour cela que je m’efforce de travailler en direct avec les producteurs. Cela évite les intermédiaires et la multiplication des trajets.
Il y a différents corps de métiers artisanaux : on pense en premier aux céramistes, aux bijoutiers, aux ébénistes… Il y en a un paquet, et ceux sous divers secteurs.
…et le fait-main, alors ?
L’expression fait-main signifie simplement que l’objet a été fabriqué à la main. Cela, sans l’utilisation de machines automatisées pour la production de masse. Cela peut inclure une grande variété d’articles, allant de simples objets faits maison à des produits plus complexes. Il peut être réalisé certes par des professionnels, mais aussi des amateurs (non péjoratif ici). Attention, car l’expression est souvent reprise par de grosses entreprises pour jouer sur les codes. Cela peut duper le ou la consommateur/rice. Le fait-main reste tout de même vaste et multiple.
Quelques exemples :
Entièrement fait à la main. De la gestion de matière première à la transformation de celle-ci. Par exemple une huile végétale dont la plante a été semée, cultivée, pressée, et mise en conditionnement. C’est le cas de nos amis Cannavie qui travaillent le chanvre de A à Z.
Transformé à la main : utiliser des matières premières déjà existantes pour les transformer (c’est le cas pour Snoap). J’achète des huiles végétales déjà pressées/conditionnées que je transforme en savon. Je pense aussi au métier comme Double C créations, qui s’occupe de redonner vie aux fauteuils. Ou encore les métiers incluant l’upcycling.
Assemblé à la main. Comme dit plus haut, l’exemple de certains bijoux ou de meubles. Cela peut se faire de manière éthique. Par exemple, faire attention à la qualité et la provenance des pièces sélectionnées…). Ou bien de manière très basique qui peut altérer la qualité du produit fini.
Quelle différence entre les deux?
On peut voir parfois la notion « fait-main » sur les marchés, parfois « artisanal ». Mais est-ce la même chose ? Question complexe.
L‘artisanat est un savoir-faire acquis par un professionnel, qui a pu se former auprès de maîtres ou d’écoles spécialisées. L’artisanat est manuel ou mécanique (recours à des machines spécifiques). Il nécessite une qualification, un savoir-faire précis, et de la technique. L’artisanat s’oppose à la fabrication industrielle, et est un métier reconnu par l’Etat.
Il existe multiple métiers dans le secteur de l’artisanat, car le domaine est plutôt vaste. Cordonnier.e, coutelier.e, luthier.e, marqueteur.se, mosaïste, papetier.e, relieur.se, tanneur.se…
Le fait-main n’est pas automatiquement de l’artisanat surtout s’il ne répond pas aux critères cités plus haut. Il pourrait correspondre à de l’assemblage de pièces comme par exemple certains bijoux, certains meubles. Ou simplement, par opposition au métier, s’apparenter à du loisir.
Pour préciser davantage…
Il est important de distinguer le métier du loisir. Un métier peut se développer à partir d’un loisir, mais on ne fait pas toujours de son loisir un métier. L’artisanat est un métier, le fait-main, pas systématiquement.
Bien entendu, le loisir peut mener au professionnalisme. Je pense notamment aux métiers autodidactes. « La compétence dans le métier doit pouvoir être justifiée par un diplôme, une formation ou par l’expérience, comme le précise le décret du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers » (source : enonomie.gouv.fr).
Pour prendre l’exemple de la savonnerie, il n’existe pas vraiment d’écoles spécialisées ou de formation officielle. Cela se fait via des ateliers menées par des professionnels ou des formations privées (qui ont un certain coût). Ils proposent une approche globale du métier sans former véritablement à ce dit-métier. Pour ma part, j’ai fait quelques formations (aromathérapie et ateliers de saponification)… Mais c’est surtout l’expérience et la documentation depuis 2018 qui m’a formée véritablement.
La reconnaissance
L’artisanat s’équilibre entre savoir-faire et pratique du métier, ce qui n’est pas toujours le cas du fait-main. C’est une question de reconnaissance… officielle.
L’artisanat semble très spécifique et pourtant regroupe énormément de métiers. Il y a les nouveaux métiers, les métiers traditionnels (dont certains tendent à disparaitre), et l’artisanat d’art. Chaque pays a sa propre reconnaissance de l’artisanat.
En France, « l’utilisation des titres «artisan» et « maître artisan » nécessite une reconnaissance officielle par la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, avec des exigences de qualification ».
En Belgique, cette reconnaissance a (presque) disparu. Le label « Artisan Certifié » existe toujours mais le procédé d’obtention s’est fortement simplifié. Avant, il y avait un comité qui décidait de l’octroi de la reconnaissance du métier. Cela incluait une visite de l’atelier par un jury et une personne du métier. Donc, il faut continuer d’être attentif au fameux craftwashing. Le jeu des codes par les grandes marques, au même titre que le greenwashing.
Avec Snoap, j’essaie de montrer un maximum de transparence auprès de mes client.es et au travers de ma communication. Je la recherche moi-même dans ma propre consommation.
Pour résumer
Le fait-main est beaucoup plus complexe qu’il ne laisse entendre. Ce n’est pas nécessairement un manque de professionnalisme ou de qualité. In peut dévier l’artisanat de son sens premier par les grandes entreprises qui jouent sur les codes.
Le cœur de cet article est de bien connaître la différence entre les deux et leur définition propre. L‘artisanat et le fait-main ayant chacun leur subtilité. C’est aussi à l’artisan.e de montrer un maximum des étapes de travail et de la qualité des matières qu’il ou elle utilise.
L’artisanat est un savoir faire (traditionnel ou non) et un métier reconnu par l’Etat.
Le fait-main est une façon de faire qui peut (ou pas) être lié à l’artisanat. Les deux restent étroitement liés. Mes savons sont faits-main. Je travaille les matières premières, moulage et démoulage de ceux-ci. Cela requière une technique spécifique artisanale qui s’appelle la saponification à froid. Au bout de quelques années d’expérimentations, j’en ai officiellement fait mon métier. Je me suis fait le plaisir d’obtenir le label « artisan certifié » pour valider davantage mon travail.
J’ai appris à maîtriser plusieurs critères pour réussir mes savons (il m’arrive encore de me tromper et d’apprendre). La saponification est « facile d’accès » (ateliers, DIY…) mais demande tout de même, si on souhaite complexifier les recettes, de la recherche et du développement, et de la patience. Bons dosages des corps gras et de la soude, subtilité et choix des parfums, effet et textures recherché.es, volonté de se démarquer en trouvant de nouvelles recettes originales, et aussi le respect de la réglementation à des fins de sécurité pour le consommateur.trice… J’en ai écrit un article que je vous invite à lire pour plus de précisions.
Bref, un métier à part entière qui embrasse pleinement le fait-main et correspond aux critères de l’artisanat. Cela demande beaucoup de concentration et de volonté et qui fait, à mes yeux, encore sens.